Le Conseil fédéral a tranché. Le consommateur devrait voir le prix des médicaments originaux baisser dès 2016. Reste le problème des génériques. En effet, le patient helvète paie en moyenne 50% de plus que ses voisins. C’est notamment ce que révélait en février dernier unecomparaison de prix avec six pays européens. La raison est simple. Deux fabricants de produits pharmaceutiques dominent le marché suisse. Ils détiennent à eux deux 70% de tous les génériques remboursés par les caisses maladies (voir graphique). Ainsi, en 2014, le bâlois Mepha Pharma SA détenait une part de marché de 35,9%, contre 34% pour le saint-gallois Sandoz.
Des plafonds rarement vus à la baisse
Andreas Schiesser, de santésuisse, reproche à ces deux géants de ne pas proposer assez souvent des médicaments à des prix inférieurs aux maxima officiels. Un constat qui ne surprend pas les spécialistes. Pour Reiner Eichenberger, professeur d’économie à l’université de Fribourg, il est clair que «les deux compagnies n’ont aucune raison de baisser leur prix». Ils auraient même la possibilité de dissuader leurs concurrents de vouloir pratiquer des prix plus attractifs «avec des actions ciblées».
Sandoz et Mepha réfutent tout accord de tarifs et justifient leur prix élevés par des prestations supplémentaires, telles que délais de livraison rapides, matériel d’information en sus et formations continues. Par ailleurs, Mepha prétend avoir réduit le prix de ses génériques de moitié depuis 2010.
Des règles protectionnistes
Reste que peu d'actions sont entreprises au niveau politique pour changer la situation. Selon Reiner Eichenberger: «l’accès au marché suisse des fournisseurs étrangers devrait être facilité». Pourtant, plusieurs règlements vont dans le sens contraire. En voici trois exemples:
- Des autorisations en sus: celui qui souhaite vendre un générique en Suisse doit obtenir des autorisations supplémentaires de la part des autorités helvétiques. Et cela même si la préparation est déjà vendue en Europe ou aux Etats-Unis. Ces autorisations ont des coûts conséquents.
- Des règles strictes: pour que le médicament soit remboursé par les caisses maladies, le fabricant doit proposer un emballage spécifique pour la Suisse et y inscrire les informations dans les trois langues nationales. Ce qui rend l’activité peu rentable.
- Des incitations pernicieuses: une enquête de nos confrères Saldo démontrait en 2012 que les pharmaciens et les médecins vendent plus volontiers des traitements plus coûteux, car plus rentables. Exemple: un prestataire de soin obtient 33.46 fr. s’il prescrit 100 comprimés de l’anticholestérol original Sortis, contre 23.17 fr. seulement s’il propose le générique moins cher de Drossapharm. Reiner Eichenberger regrette ce procédé, car il maintient selon lui les coûts des médicaments à un niveau faussement élevé.
Des rabais aux médecins, non aux patients
En outre, les petits concurrents doivent faire face à des rabais non transparents. Bien qu’interdits, ils restent encore impunis et les grands vendeurs de génériques en profitent. En 2013, un article de Saldo montrait que les filiales comme Sandoz ou Actavis fournissent leurs génériques aux réseaux de médecins avec un rabais de 80%. Des informations confidentielles qui ont des conséquences sur les patients, puisque ces derniers paient au final leurs génériques au prix fort.
Il reste donc peu de place pour les petites sociétés suisses comme Streuli, Drossapharm ou Axapharm, qui ne se partagaient que 4,5% du marché en 2014.
Eric Breitinger/ cd