D’un côté, on tire la sonnette d’alarme sur le réchauffement climatique et les émissions de CO2. En particulier, celles du secteur des transports. On estime qu’il est à lui seul responsable de 40% des émissions.

Les incitations à abandonner les véhicules privés en faveur des transports publics se multiplient. Parfois par des mesures d’encouragement, parfois par des contraintes, des taxes, voire un chaos organisé pour les automobilistes dans certaines grandes villes.

L’objectif, s’il est louable, n’en demeure pas moins discordant.

De l’autre côté, Monsieur Prix s’inquiétait il y a trois mois que, depuis 1990, le tarif de l’abonnement général des CFF ait bondi de 86% et que celui d’un billet de train ait doublé, alors que le coût de la vie n’a augmenté que de 40% dans le même temps. Cette hausse, qualifiée par Stefan Meierhans de «déraillement sans précédent, clairement contraire aux objectifs de mobilité de la Confédération, qui visent une part plus importante des transports publics», n’est pas la seule absurdité que l’on constate dans le domaine.

Le nouvel horaire des CFF fâche à peu près tout le monde, et rallonge même le temps de parcours de nombreux trajets. On se pince. Mais ce n’est pas tout: non seulement les tarifs des transports publics en Suisse restent exorbitants, mais ils sont aussi volontairement et cyniquement inéquitables.

Dans l’enquête que nous publions (lire en page 10), nous avons comparé les prix de douze forfaits mensuels et des abonnements annuels de différentes communautés tarifaires, pour la même durée de validité et le même réseau.

Le constat est consternant: que ce soit Mobilis dans le canton de Vaud, Libero à Berne ou
Frimobil à Fribourg, le surplus à payer pour des paiements mensuels sur un an est de 33%! Un tiers de plus! Un chiffre sans cesse tiré vers le haut par des entreprises dont les cantons et les communes sont les propriétaires.

Ainsi, une lectrice du Chablais, qui ne pouvait pas s’acquitter en une fois du prix de son abonnement pour penduler entre Saint-Maurice et Lausanne, se voit infliger une pénalité de 825 fr. Une pénalité oui, car en payant son titre de transport annuel en une fois, elle aurait déboursé 2475 fr. Les versements mensuels, eux, pour un même service, lui coûtent 275 fr. par mois, soit 3300 fr. sur un an. Et donc, 825 fr. de plus sur un an.

L’argument consistant à dire que les voyageurs qui paient en une seule fois bénéficient d’une réduction de 25% n’est que perfidie. Car il suppose, hors de tout bon sens, que chacun est en mesure de débourser une telle somme en une seule fois. Ou alors pire, il valide l’inégalité de traitement entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas.

Dans tous les cas, cette inégalité de traitement est insupportable, à l’heure où les injonctions pour épargner le climat pèsent sur les épaules des consommatrices et des consommateurs de tout le poids de la lâcheté politique.

Pierre-Yves Muller

Rédacteur en chef