Bien que la phrase «Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre» n’a – semble-t-il – jamais été prononcée par Albert Einstein, il n’en reste pas moins que leur diminution pose de gros problèmes. «Les abeilles sont le marqueur de la qualité de l’environnement», souligne ainsi Benjamin Dainat, biologiste et spécialiste de leur intoxication auprès d’apiservice, le centre de conseil et de compétence d’apisuisse.
Or, apiservice a, précisément, pointé du doigt, la semaine dernière, les intoxications dues aux néonicotinoïdes, une famille de pesticide qui perturbe, notamment, le sens de l’orientation des abeilles. Dans son rapport, l'organe faîtier suisse indique que 17 suspicions d’intoxications ont été déclarées l’an dernier, dont 10 avérées. Ce chiffre suit la moyenne des dernière années, «mais ce n’est que la pointe de l’iceberg», estime Benjamin Dainat. Toujours selon le bilan 2015, la majorité des cas sont dus à une mauvaise utilisation des produits par les professionnels de la branche.
La situation est-elle suffisamment alarmante pour tendre vers une interdiction totale, comme celle qui est en discussion ces jours en France? «Non, tranche Anja Ebener, la directrice d’apiservice. Certains produits sont nécessaires et ceux qui causent le plus de dégâts sont interdits (ndlr: lire en encadré).» Les apiculteurs – ils sont au nombre de 17 500 en Suisse – ont certes réfléchi à une interdiction totale, mais y ont renoncé.
A Paris, un projet de loi pour la protection de la nature avait été accepté en mars 2015. Il prévoyait, entre autres, l’interdiction des néonicotinoïdes dès 2017, mais le Sénat a fait marche-arrière en janvier 2016. Les négociations devraient prochainement connaître leur épilogue.
Dan Steiner
Edit: Par 30 voix contre 28, le Sénat a bel et bien voté jeudi 17 mars l'interdiction totale des néonicotinoïdes en France. Malheureusement, les abeilles devront attendre un peu, les députés ayant repoussé son entrée en vigueur de début 2017 à septembre 2018.
Moratoire en Suisse
L’utilisation d’un néonicotinoïde en Suisse a été provisoirement interdite par un moratoire. Ce dernier est officiellement arrivé à échéance à la fin de l’année dernière. Mais cela ne signifie pas que les firmes agrochimiques peuvent désormais réapprovisionner le marché national en substances précédemment bannies. «Le moratoire n’a pas d’échéance fixe et est prolongé automatiquement», explique Anja Ebener, qui précise: «Un néonicotinoïde reste interdit tant qu’un producteur n’apporte pas la preuve qu’il est sans danger.»
Benjamin Dainat ajoute que, en Suisse, seuls quatre néonicotioïdes sont principalement utilisés et que trois sont toxiques pour les abeilles. Les restrictions européennes ne permettent, toutefois, qu’un usage professionnel et ne peuvent pas être appliqués sur des cultures attractives pour les abeilles.