Qui diable se cache derrière l’Association des donneurs de sang bénévoles? C’est la question que nous a posé une entreprise genevoise. Cette dernière a été contactée récemment de manière insistante pour acheter un encart publicitaire dans le «magazine d’information médicale» de l’association Pour la vie.
Le moins que l’on puisse répondre, c’est que tout cela est bien obscur. Sur le site de l’association (dondusang-ch.com), aucun numéro de contact, rien sur le comité ou les statuts, pas un mot pour titiller la fibre bénévole des internautes, mais une bonne place laissée à l’appel aux dons et aux annonceurs publicitaires. Quand au nom de domaine, il est enregistré au nom d’une société anonyme qui a fait faillite! Nous avons donc choisi de contacter l’entreprise genevoise IGWT responsable de la collecte de fond de l’association pour avoir quelques explications.
Pas de président
Cette dernière a promis de nous rappeler, mais peu après, Bon à Savoir a reçu l’appel – masqué – d’un certain Jean Joseph, qui s’est présenté comme l’un des membres bénévoles de l’association. Ce dernier, «opéré du cerveau il y a pas si longtemps», refuse de nous communiquer son numéro. Peut-être celui du président alors? Ah non, le poste est vacant et il doit être élu d’ici un mois! Le secrétaire ou un autre responsable? «Oui, mais au début de la semaine prochaine»…
Jean Joseph accepte tout de même de répondre à nos questions. Une association, dont le but est par essence non lucratif, conformément aux articles 60 et suivants du Code civil, peut-elle démarcher les entreprises comme un vendeur de tapis? «Je ne vois pas en quoi l’insistance vient gêner une activité louable» rétorque notre interlocuteur. L’argent ainsi récolté servirait à couvrir les frais de publication de Pour la Vie. Ce magazine serait édité, selon Jean Joseph, à 10 000 exemplaires et distribués une fois l’an dans les cabinets médicaux, pharmacies et entreprises. Bon à Savoir, en tout cas, ne l’a jamais vu…
Le membre bénévole rejette toute accusation d’arnaque. «Notre bénéfice est de zéro; tout est reversé au magazine», assure-t-il. Selon lui, la publication de ce dernier constituerait l’activité principale de l’association, qui compterait une dizaine de membres. «On existe depuis plus de 10 ans», précise Jean Joseph, comme gage de sérieux.
En 10 ans, justement, ce n’est pas la première fois que l’association fait l’objet de reproches. Rudolf Schwabe, directeur du service de transfusion sanguine de la Croix-Rouge, connaît ses agissements: «Nous n’avons rien à faire avec cette association, qui avait utilisé notre logo sans autorisation sur son site. Des entreprises se sont plaintes auprès de nous d’avoir été mises sous pression pour donner de l’argent. Nous lui avons interdit d’utiliser notre nom et notre logo et d’évoquer tout lien avec nous». M Schwabe, qui rappelle que la Croix-Rouge est mandatée par la Confédération pour gérer l’intégralité des dons du sang en Suisse trouve que «tout cela est extrêmement étrange. Une chose est sûre, la brochure qu’ils éditent soi-disant ne nous aide pas à recruter des donneurs».
Un petit tour sur le seul exemplaire du magazine que nous ayons trouvé, celui qui figure sur leur site, n’aide guère à dissiper les doutes. Les quelques articles sur le don du sang se basent sur des références françaises (alors que l'association est suisse) et le reste parle de respiration, de sieste, ou encore de probiotiques.
Décidemment, voilà une association bien suspecte.
Sébastien Sautebin