Le dépistage du cancer sein pour les femmes dès 50 ans est une nouvelle fois remis en cause. Avec son article «Qualité insuffisante des programmes de dépistage par mammographie?», publié récemment (en allemand) dans le Bulletin des médecins suisses, son auteur Rolf Ritschard doute de la fiabilité de ces programmes. Selon lui, les praticiens suisses ne diagnostiqueraient que cinq à six tumeurs pour mille patientes, contre neuf sur le plan international.
Pour arriver à un tel résultat, le statisticien s’est basé sur les données du deuxième rapport de monitorage des programmes de dépistage par mammographie de l’année 2011. Et de conclure que la qualité du dépistage en suisse pourrait être insuffisante. Pour Helena Weigert-Max, médecin-cheffe de l’unité de radiologie de l’hôpital de Schaffhouse, ce résultat s’explique par le fait que les spécialistes suisses examinent peu de patientes en comparaison internationale.
Conclusions remises en cause
Dans le bulletin des médecins suisses, toujours mais paru hier 20 janvier, la conclusion de Rolf Ritschard est pourtant remise en cause par les auteurs mêmes du rapport de monitorage (réponse, en français cette fois). D’après les spécialistes, «une véritable comparaison avec les lignes directrices européennes concernant l’assurance qualité du dépistage du cancer du sein montre que, dans la plupart des domaines, les chiffres-clés prescrits ont été atteints et que la qualité des programmes de dépistage par mammographie en Suisse ne doit pas être considérée comme mauvaise».
Pas une nouveauté
Cette polémique n’est pas nouvelle. Il y a deux ans, un rapport (en français) très contesté de Swiss Medical Board (SMS) avait déjà demandé la fin de ces programmes, car selon ses auteurs, les quelques vies ainsi sauvées (1 à 2 pour mille) ne suffisent pas à compenser les diagnostics erronés (4% de faux positifs).
En outre, le dépistage systématique ne réduirait pas le taux de mortalité selon une étude (en anglais) menée au Canada durant 25 ans sur près de 90 000 femmes âgées de 40 à 59 ans et publiée il y a deux ans. Celle-ci a montré que les femmes qui avaient subi des mammographies annuelles n'avaient pas moins de risque de mourir d'un cancer du sein que celles ayant seulement subi un examen physique.
Certains spécialistes demandent donc que la qualité des programmes de dépistage soit améliorée en Suisse. C’est, notamment, le cas de Erika Zieltener, présidente de la Fédération suisse des patients, pour qui «la situation actuelle n’est pas admissible». Selon elle, ces lacunes sont connues de longue date, mais les responsables de la santé s’en préoccupent peu. Dans un ouvrage paru récemment – *«Die Wucht der Diagnose» –, elle demande que tous les centres qui procèdent à des dépistage de masse publient régulièrement leur taux de surdiagnostic.
Dépistage recommandé
De nombreux médecins continuent toutefois de recommander le dépistage par mammographie aux femmes qui ont un risque accru de cancer de sein, particulièrement pour celles de 40 ans et plus, et dont la mère, la sœur ou la fille en a développé un.
La ligue suisse contre le cancer le fait également. Sur son site internet, elle précise en effet soutenir et recommander les programmes de dépistage par mammographie réalisés conformément aux directives européenne. Elle précise encore que les facteurs de risques du cancer du sein varient selon les pays. Par conséquent, on ne peut pas comparer la qualité des programmes de dépistage entre eux. La Ligue estime aussi «qu’à l’heure actuelle, les bénéfices des programmes de dépistage l’emportent sur les inconvénients».
La Fédération suisse des programmes de dépistage du cancer confirme, quant à elle, que les dépistages par mammographie sont conformes aux directives européennes pratiquement sur tous les points. Toutefois, conclut-elle, des progrès pourraient encore être réalisés afin d’améliorer la qualité.
Chantal Guyon/ Andreas Gossweiler