Depuis l’an dernier, la composition des röstis de la marque Bischofszell, filiale de Migros, comporte une drôle d’anomalie: le "Palmöl" de l’allemand se transforme en "huile de colza" en français et "olio di colza" en italien. L’erreur a été remarquée le 3 décembre 2014 par la Fédération romande des consommateurs, puis par plusieurs lecteurs qui l’ont signalée à Bon à Savoir. Avertie, Migros a réagi le jour même, concédant que le produit contenait bien de l’huile de palme et promettant de corriger l’erreur dès épuisement du stock.
«La fausse inscription "huile de colza" est due à une erreur de traduction de l’allemand au français», indique Migros. Comment le terme "Palmöl" a-t-il pu se transformer en colza? Mystère. Mais le temps qu’il a fallu à l’entreprise pour modifier les emballages surprend plus encore: plus de six mois après, on trouve encore des paquets mal étiquetés dans plusieurs succursales de Lausanne. Selon le grand distributeur, comme ces röstis ne présentent aucun risque pour la santé, il a été décidé de les vendre pendant six mois sans rectifier les emballages. Les premiers exemplaires corrigés sont disponibles depuis la mi-mai, mais n’ont pas encore atteint tous les rayons.
Erreur hautement sensible
Cette erreur est pourtant hautement sensible pour le consommateur, car l’huile de palme est clouée au pilori, tant pour ses mauvaises qualités nutritives que pour son impact sur l’environnement. Soit tout l’inverse de l’huile de colza,l’une des meilleures pour la santé, et souvent de production locale. Dès lors, comment expliquer que Migros n’a pas été contrainte de prendre des mesures plus tôt? Un distributeur averti de sa faute peut-il vraiment continuer d’écouler son stock pendant des mois sans prendre de mesures de correction?
«Tout dépend de la gravité de l’erreur, explique André Cominoli, chimiste cantonal adjoint du canton de Genève. S’il y a mise en danger de la santé des consommateurs ou grave tromperie, aucun délai d’écoulement n’est accordé. S’il s’agit d’un oubli de peu de gravité, on peut, sur demande de l’entreprise, en accorder un de quelques mois». Dans un cas comparable à celui des röstis Migros, il estime qu’un retrait immédiat de la marchandise ne serait pas forcément exigé.
De son côté, le chimiste cantonal de Neuchâtel Pierre Bonhôte ajoute que «l'on peut demander une correction des emballages existants si l’erreur n’est pas mineure. Des mesures temporaires peuvent aussi être prises pendant l’écoulement du stock, par exemple une indication sur le rayon que l’étiquetage comporte une erreur».
Un signalement en rayon aurait suffi
Nul besoin, donc, de détruire la marchandise déjà produite pour corriger l’indication trompeuse. Un simple signalement en rayon, ou l’ajout d’une étiquette recouvrant la composition fautive sur les emballages existants aurait suffi à résoudre le problème plus vite, ce que Migros n’a pas jugé utile de faire.
Seul le chimiste cantonal zurichois, compétent pour imposer à l’entreprise des mesures de correction – son siège étant situé dans le canton de Zurich – aurait pu l’ordonner. Contacté par nos soins, Martin Brunner a, toutefois, refusé de commenter ce cas précis. Il s’est borné à indiquer que «la fixation des mesures correctives est complexe, doit être proportionnée et tenir compte de tous les intérêts».
Vincent Cherpillod