L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est chargé, chaque année, de contrôler le prix d’un tiers des médicaments remboursés par l’assurance de base. Entre 2012 et 2014, il a ainsi ordonné des baisses sur près de 1500 des 2500 remèdes inscrits sur la liste des spécialités, ce qui a généré des économies de 600 millions de francs! Selon les ordonnances en vigueur à l’époque, ses experts ont essentiellement basé leurs calculs sur la comparaison des prix suisses avec ceux pratiqués dans six pays européens. Comme l’euro avait subi une véritable dégringolade, l’effet a été massif.
Processus bloqué par un recours
Ces décisions n’ont toutefois pas été du goût des entreprises pharmaceutiques, qui ont déposé
62 recours. L’un d’eux a bloqué net tout le processus, le temps que les juges se prononcent. Deux années ont ainsi été perdues (lire encadré).
A la fin de 2015, le Tribunal fédéral a conclu, en dernière instance, que le réexamen de l’économicité d’un médicament inscrit sur la liste des spécialités ne pouvait se limiter à une comparaison avec les prix de l’étranger. Le calcul doit inclure, pour moitié, une comparaison thérapeutique avec d’autres préparations utilisées pour la même maladie. Le Conseil fédéral a donc été contraint de modifier les ordonnances correspondantes. C’est désormais chose faite, et le réexamen des prix a pu reprendre au mois de mars. Les baisses seront effectives fin 2017.
Les pharmas en position de force
La tâche de l’OFSP se trouve passablement compliquée par les nouvelles règles. «Le système devient plus complexe, car il n’est pas facile de comparer les bénéfices thérapeutiques des médicaments» a ainsi estimé Alain Berset, ministre de la Santé. Du coup, l’industrie pharmaceutique est en position de force. «La difficulté d’effectuer des comparaisons thérapeutiques va augmenter leurs possibilités de faire recours», reconnaît Jörg Indermitte, chef de la section Médicaments à l’OFSP. Selon ce dernier toutefois, d’éventuelles actions devant les tribunaux ne devraient, cette fois, plus gripper toute la machine, comme en 2015-2016, mais geler uniquement la baisse du tarif contesté.
180 millions d’économies seulement
Le nouveau protocole réduit aussi la pression sur les prix, pour le plus grand bonheur des pharmas. Les économies prévues pour les trois prochaines années n’ont d’ailleurs été estimées qu’à 180 millions, soit bien en dessous des 600 millions de 2012-2014.
Selon Jörg Indermitte, toutefois, cet écart est dû avant tout aux taux de change. A l’époque, l’euro avait dégringolé de 1.58 fr. à 1.20 fr. Depuis, il a certes connu un nouveau coup de mou face au franc suisse après l’abandon du taux plancher par la BNS en janvier 2015. Mais l’ampleur du fléchissement est moins marquée qu’avant 2012. D’où des prévisions plus modestes.
En février, Santésuisse échafaudait même un scénario bien plus pessimiste. L’association faîtière des assureurs estimait que la nouvelle réglementation pourrait engendrer une hausse du prix de certains anciens médicaments lorsqu’ils seront comparés à des produits pharmaceutiques plus chers. «Ce ne sera pas le cas. Le Département fédéral de l’intérieur a décidé que le réexamen de 2017 ne pourra, en principe, pas entraîner d’augmentation», rétorque Jörg Indermitte. Cette interdiction sera reconduite, ou non, chaque année.
Sébastien Sautebin
Eclairage: combien avons-nous perdu?
Le recours d’une entreprise pharmaceutique contre la baisse de prix de son antidépresseur a fait perdre deux ans d’économies aux assurés. On rétorquera qu’elle était dans son bon droit, puisque la Cour suprême a donné tort à l’OFSP. Il n’empêche, tout le processus a été bloqué en 2015 et 2016. Et les assurés en ont subi les conséquences, ne serait-ce que lorsqu’ils ont dû payer de leur poche des médicaments dont le prix n’a pas pu être baissé.
Combien ce blocage a-t-il coûté? En 2015, année de l’abandon du taux plancher, les économies n’auraient paradoxalement pas été très prononcées, car l’OFSP se base sur le taux de change moyen de l’année précédente, soit 2014. Or, cette année-là, les taux présentaient peu de différence par rapport à ceux du réexamen antérieur. En 2016, en revanche, les économies auraient été plus importantes, car le franc s’est fortement apprécié en 2015. Jörg Indermitte, estime qu’une soixantaine de millions auraient pu être économisés.