L’écart entre les données d’usine et la consommation réelle d’une voiture s’élève en moyenne à 30%, relevait un rapport publié en 2014 par le Conseil international pour le transport écologique. Ce fossé est aussi agaçant que trompeur pour le consommateur qui constate que l’appétit de son véhicule ne correspond pas aux valeurs mises en exergue par les constructeurs.
On pourrait croire que le phénomène ne concerne que les moteurs thermiques, qu’ils soient à essence ou à diesel. Ce n’est hélas pas le cas, puisque l’ensemble des voitures subissent le même cycle d’homologation: le NEDC. Or, c’est bien lui qui fournit les chiffres officiels de consommation totalement irréalistes. Le nouveau protocole WLTP qui va progressivement le remplacer devrait quelque peu corriger le tir.
L’autonomie en prend un coup
Le test que nous avons mené en collaboration avec le TCS, l’émission A bon entendeur (RTS 1) et l’association européenne Euroconsumers confirme que les voitures électriques ne sont pas épargnées par le phénomène. En conditions réelles, elles grillent sensiblement plus de watts que le prétend leur fiche technique. Corollaire: leur autonomie est loin d’être aussi élevée qu’annoncée.
Notre test, mené par le TCS, a porté sur trois modèles d’une valeur avoisinant 40 000 fr.: la Nissan Leaf, l’Opel Ampera-e et la Renault Zoe. Les experts ont procédé à diverses mesures pour évaluer le déchargement de la batterie et sa capacité totale. Ils ont également effectué à trois reprises un partrajet varié – urbain, interurbain et autoroute – de plus de 41 km pour une distance totale de 124,4 km. C’est sur cette base que la consommation électrique et, par ricochet, l’autonomie de chaque modèle a été calculée (lire encadré).
Les résultats obtenus illustrent combien les valeurs théoriques sont loin d’une utilisation réelle. Car autant la Nissan, l’Opel que la Renault ont délivré des performances éloignées des chiffres officiels. La japonaise, qui annonce une autonomie de 250 km, n’a couvert que 144 km, soit 57% de la distance attendue. L’allemande qui est censée tenir 520 km a avalé 304 km (59%), alors que la française n’a parcouru que 232 km (58%) des prétendus 400 km (voir tableau).
Manque de transparence
Appelés à se prononcer sur les résultats de leur modèle, les trois constructeurs sont conscients du décalage entre les données techniques et la réalité. Directrice de la communication chez Renault Suisse, Karin Kirchner rappelle que l’autonomie — comme la consommation de carburant des voitures à moteur thermique — est estimée par le fameux NEDC. Et d’admettre que «cette valeur ne correspond pas à une situation de conduite réelle».
La marque au losange fait d’ailleurs l’effort de communiquer d’autres chiffres dans sa liste de prix destinée aux clients: environ 300 km en cas de températures douces (été) et environ 200 km en cas de températures basses (hiver). «Une autonomie NEDC de 400 km correspond à une autonomie réelle de 300 km en cycle mixte, selon les valeurs recueillies auprès de 50 000 clients de la Zoe», ajoute Karin Kirchner.
De son côté, Opel dit avoir soumis l’Ampera-e à un test qui se rapproche du nouveau cycle WLTP. «Sur la base de ce test, les ingénieurs estiment que l’autonomie s’élève à 380 km», communique son porte-parole Lukas Hasselberg. Mais, au contraire de Renault, la marque à l’éclair ne mentionne pourtant que la mesure NEDC (520 km) dans sa documentation (liste de prix). Nissan ne fait pas mieux sur ce point.
Le rôle du thermomètre
Il est évident que la consommation d’une voiture – quel que soit son mode de propulsion – dépend d’une kyrielle de facteurs. On pense au style de conduite, à la charge ou à la topographie. Le test a confirmé que certains paramètres touchent plus fortement les véhicules électriques. C’est le cas de la température extérieure qui a un impact important sur les batteries. Le chauffage de l’habita-
cle tire également l’autonomie vers le bas. Car, comme le moteur ne rejette pas de chaleur, c’est la batterie qui est mise à contribution pour fournir l’énergie nécessaire.
Yves-Noël Grin
En détail
Déroulement du test
Les trois voitures ont été testées par le service «Conseils en mobilité» du TCS. Dans un premier temps, les experts ont contrôlé l’état général des véhicules et se sont assurés que toutes leurs fonctions étaient opérationnelles. Des éléments comme la pression des pneus ont été vérifiés et des données techniques ont été relevées (poids, dimensions, etc.). Après cet examen préalable, les experts se sont concentrés sur les points suivants.
Déchargement de la batterie
Les batteries ont été complètement vidées pour observer le comportement des véhicules à faible charge. A quel moment un témoin se déclenche-t-il pour avertir que l’autonomie restante est faible? Comment réagit la voiture avant d’être totalement à plat?
Energie nécessaire à la charge
Les batteries ont été rechargées avec les chargeurs fournis par les constructeurs sur une prise de courant alternatif (230 V/10 A). Un compteur spécifique a servi à mesurer l’énergie nécessaire à une charge complète.
Mesure de la consommation
Les véhicules ont parcouru à trois reprises des cycles urbain (8,42 km) et interurbain/autoroute (33,06 km) pour une distance totale de 124,4 km. Chaque voiture a été chargée pour simuler la présence d’un passager (75 kg), de deux enfants (30 kg chacun) et de bagages (20 kg). La climatisation et le chauffage ont été réglés sur 22° C, alors que la température extérieure moyenne était de 10° C.