Suite à l’abandon du taux plancher le 15 janvier dernier, plusieurs lecteurs nous ont écrit pour s’indigner de la lenteur avec laquelle certaines banques ont répercuté la chute des cours. Le temps semblait s’être arrêté chez elles, car plusieurs heures après sa dégringolade, 1€ coûtait toujours 1.20 fr. Constat semblable chez les personnes qui ont profité de la baisse pour passer une grosse commande sur internet – voyage, billets d’avion… – en payant avec une carte de crédit. Même en toute fin de journée, le taux de change de leur émetteur est resté scotché au niveau qui prévalait la veille du 15 janvier.
Aucune adaptation en cours de journée
Notre partenaire le magazine Tout Compte Fait a mené l’enquête (lire «La grande loterie des taux de change», TCF n°2/2015) pour comprendre. Après avoir interrogé les principaux émetteurs de cartes actifs en Suisse romande, il est arrivé à la conclusion qu’aucun d’entre eux ne modifie son taux en cours de journée. Le taux du jour est calqué soit sur celui du matin, avant l’ouverture des marchés, soit sur celui de la veille en fin de journée, puis ne bouge plus. Conséquence: 1€ ne valait 1 fr. chez aucun d’entre eux le 15 janvier dernier, même pour un achat passé à 22h, plus de dix heures après la chute des cours.
Taux de change impossible à prévoir
Plusieurs internautes ayant passé commande le 15 janvier ont pourtant eu la surprise de voir leur achat converti à un taux nettement plus favorable, proche de 1€ = 1.04 fr. Explication? «Ce n’est pas le cours à la date de l’achat qui importe, mais celui du jour du traitement international de la transaction», explique Nadine Geissbühler, porte-parole de Viseca (émetteur des cartes de crédit des banques cantonales, Coop, Migros et Raiffeisen). Or, comme une journée sépare, en moyenne, la date de l’achat de celle du traitement, c’est le cours du 16 janvier qui a été appliqué. «Mais ce délai peut varier; il n'est pas possible de le connaître avec exactitude», prévient Viseca. Au moment de passer commande sur internet, il est donc impossible de connaître le montant final de la facture. Si les cours remontent brusquement, on risque une très mauvaise surprise.
Swisscard plus lente que les autres
Sébastien Villoz n’a pas eu la même chance que les autres. Notre lecteur neuchâtelois a, lui aussi, passé une commande le 15 janvier, traitée le lendemain. Mais son séjour à l’étranger lui a été facturé au prix fort: Swisscard, l’émetteur de sa carte de crédit, n’a répercuté la chute de l’euro que le 17, soit 48h après l’annonce de l’abandon du taux plancher! Pourtant, selon nos informations, les autres émetteurs liés à des banques implantées en Suisse romande ont toutes répercuté la baisse avec «seulement» 24h de retard. Les clients de Swisscard – l'émetteur des cartes de crédit de Credit Suisse – ont donc été défavorisés. Pourquoi?
«Nous nous appuyons sur le cours des réseaux de cartes de crédit. Le 16 janvier, nous avons suivi ceux communiquées par MasterCard et Visa», se défend le porte-parole de Swisscard. Et pourquoi ne pas s’appuyer plutôt sur ceux de Credit Suisse? «Ceux-ci sont adaptés plusieurs fois par jour et dépendent de l’importance des transactions en monnaies étrangères. Cette méthode de fixation des cours ne se prête pas à un système de traitement tel que celui utilisé par Swisscard», prétend son porte-parole. La réponse est étonnante: les concurrents de Swisscard fixent, eux, bel et bien leurs cours sur ceux des grandes banques helvètes. C’est notamment le cas des cartes émises par Viseca, PostFinance et UBS.
Vincent Cherpillod