On a bombé le torse. C’est si rare que la Suisse passe au dessert alors que ses voisins n’ont pas encore touché au plat principal. Oui, notre pays a fait figure de pionnier en acceptant, le 24 septembre dernier, d’inscrire la notion de sécurité alimentaire dans sa Constitution. Et ce n’est pas du bout des lèvres, mais avec un porte-voix que l’arrêté fédéral a été soutenu: 78,7% des citoyens ont dit «oui» et aucun canton n’a dit «non».
Comme tout contre-projet à une initiative, il est vrai que l’objet de la votation était édulcoré. L’initiative populaire, déposée à la base par l’Union suisse des paysans, donnait notamment plus de poids à la production indigène. Toujours est-il que ce plébiscite pour la sécurité alimentaire a montré que la population était sensible non seulement à ce qu’elle mange, mais également au rôle prépondérant que joue une agriculture de proximité.
Johann Schneider-Ammann, lui, ne se préoccupe pas plus de la volonté populaire que de la survie de l’agriculture suisse. Son projet, pour la politique agricole dès 2022, se résume à tout sacrifier sur l’autel du libéralisme. Vive le libre-échange, à bas les frontières douanières! Les paysans suisses n’ont qu’à se moderniser pour jouer dans la même cour que leurs confrères chinois.
En l’espace de 30 ans, la moitié des exploitations agricoles de notre pays a disparu. Cette fragilisation, d’autres secteurs économiques l’ont vécue. Mais on parle ici d’un secteur qui couvre un besoin vital, celui de se nourrir. Or, notre souveraineté alimentaire s’érode dangereusement avec un taux d’auto-approvisionnement qui a chuté de 60% à 50% au cours des trois dernières décennies.
Telle qu’elle a été présentée, la stratégie pour la politique agricole après 2022 nous assure de manger mal et mondial. Notre drôle de ministre ignore sans doute qu’il n’y a pas que le rire qui soit bon pour la santé.
Yves-Noël Grin