C’est sans aucune réticence que Marie-Paule Blanchard-Queloz, l’été dernier, accepte de prêter sa voiture à sa fille. Celle-ci se rend à un mariage. A l’issue d’une longue soirée, elle prend le chemin du retour. Son permis est en règle et elle n’a pas bu une seule goutte d’alcool. Au petit matin, monotonie autoroutière aidant, elle s’assoupit au volant l’espace d’un instant. Juste assez longtemps, toutefois, pour heurter la glissière de sécurité de l’autoroute et endommager fortement la voiture. Fort heureusement, elle n’est pas blessée.
C’est au moment de payer les dégâts que les choses se compliquent. Marie-Paule Blanchard-Queloz possède pourtant une assurance casco Formula chez Generali. Celle-ci devrait prendre en charge les dommages de la voiture; quant aux dégâts causés à la glissière, c’est la RC du véhicule qui s’en occupe. Mais le remboursement tarde. L’assureur semble attendre le rapport de police. Lorsqu’il arrive enfin, notre lectrice constate, en plus de la franchise casco, que deux autres franchises ont été déduites, parce que sa fille ne faisait pas partie des «conducteurs habituels déclarés» sur la police d’assurance.
Mal conseillée par l’assurance
Nouvelle déconfiture quelques jours plus tard: sa fille reçoit une facture d’un montant de 4500 fr. L’assureur Generali s’est en effet retourné contre elle: il estime que l’endormissement est une faute grave et met à sa charge le 20% des dégâts, à la fois sur la glissière de l’autoroute et sur le véhicule. Sa propre RC, chez l’assureur AXA, confirme la faute grave et refuse de prendre en charge le montant réclamé par Generali. En ajoutant le montant des franchises déjà payées, l’accident aura donc coûté plus de 6000 fr. à la famille.
Contactées, Generali et Axa répondent qu’elles ont la loi avec elles (lire encadré). Marie-Paule Blanchard-Queloz, pourtant, demeure choquée et déçu par cette mésaventure. «Lorsque j’ai contacté mon assurance, j’ai appris que nous aurions pu être entièrement couverts si j’avais souscrit une clause de renonciation à recourir en cas de faute grave. Or, personne ne me l’a proposée quand on m’a présenté le contrat!»
En outre, elle a obtenu par la suite des réponses contradictoires en cherchant à se renseigner sur les fautes pouvant être qualifiées de «graves»: «Lors de mon premier téléphone à Generali, un conseiller à la clientèle m’a indiqué que, selon lui, vu le déroulement de l’accident, il n’entrait pas dans la catégorie des fautes «graves». J’ai obtenu la même réponse en interrogeant un gendarme», affirme-
t-elle. Et de conclure que sa fille paie pour son honnêteté: que ce serait-il passé si elle avait affirmé avoir été distraite par un événement quelconque?
Vincent Cherpillod
Éclairage
Qu’entend-on par faute grave?
La loi sur la circulation routière définit vaguement quelles fautes sont qualifiées de légères, moyennes ou graves. Selon elle, la personne qui «conduit un véhicule automobile, alors qu’elle est incapable de conduire du fait de l’absorption de stupéfiants ou de médicaments ou pour d’autres raisons» commet une faute grave. La jurisprudence considère que s’endormir au volant fait partie de ces «autres raisons». Selon les juges, en l’absence d’une pathologie, l’endormissement est toujours précédé de signes avant-coureurs dont l’automobiliste peut et doit tenir compte.
Les autres fautes graves sont les suivantes:
- violation grave des règles de la circulation avec risque de mise en danger d’autrui (feu rouge brûlé ou dépassement téméraire par exemple);
- état d’ébriété (> 0,5‰);
- opposition à un prélèvement ou à un test médical;
- délit de fuite après un accident ayant entraîné blessures ou décès;
- conduite sans permis valable.
Les assureurs peuvent, dans ces cas-là, se retourner contre l’auteur de l’accident et lui faire assumer une partie du montant des dégâts. On peut s’en prémunir en ajoutant à son assurance véhicule une clause de renonciation au recours en cas de faute grave. Le plus souvent, celle-ci est optionnelle et soumise à un supplément. Attention néanmoins: toutes les fautes jugées graves ne sont pas couvertes pour autant! La conduite en état d’ébriété ou les excès de vitesse importants ne sont, par exemple, jamais inclus. Certains assureurs excluent également la consommation de stupéfiants, de fortes doses de médicaments, ou les dépassements téméraires. Une lecture des conditions générales n’est donc pas inutile.