«Hâte-toi lentement», c’est un jeu de société mais aussi celui de la politique suisse ou, peut-être, son credo fondateur – voire fédérateur – depuis plus de sept siècles. Les décisions se prennent après une succession de consultations et une quête du consensus. Certes, comme dans toute démocratie, le jeu politique est fait d’accords et d’alliances à géométrie variable. Avec une particularité toute helvétique: le rôle très actif des citoyens, qui ont le pouvoir de lancer des initiatives et des référendums populaires. Des outils fantastiques qui permettent à celles et à ceux qui vivent le pays d’en influencer l’avenir. Corollaire: le temps entre un projet, son éventuelle votation et son application plus ou moins fidèle.
Prenons l’exemple, pas tout à fait au hasard, de l’initiative populaire fédérale lancée par les magazines de défense et d’information des consommateurs – dont Bon à Savoir en Suisse romande – pour redéfinir le service public. Déçus par le manque de réaction des milieux politiques, ces titres privés ont lancé l’initiative dite «En faveur du service public», refusée par les deux tiers des votants en juin 2016. Ses revendications étaient au nombre de trois, articulées avec précaution: redéfinir ce qui relève du service public au sein d’entreprises comme La Poste ou les CFF, ne pas prioriser les bénéfices, plafonner le revenu des dirigeants à celui d’un conseiller fédéral.
Le scandale de CarPostal, la tromperie étouffée sur les permis de circulation de centaines de véhicules jaunes, l’absence totale de transparence dans les données chiffrées conduisant à l’hécatombe des bureaux de poste et, sans doute, d’autres «affaires» à venir, ressuscitent ces revendications. Les propos des politiciens de tout bord font aujourd’hui écho aux arguments des initiants. Normal, puisque ceux-ci ne faisaient que relayer les plaintes et les observations des citoyens, donc de la base…
Dommage qu’il ait fallu attendre au moins un scandale, mais tant mieux si l’indispensable questionnement du fonctionnement et des objectifs des entreprises du service public refait surface. Si les partis politiques s’en saisissent et que le mouvement se met réellement en marche, nous aurons alors le plaisir de confirmer le credo fondateur du pays et d’en ajouter un autre: «Mieux vaut tard que jamais»!
Zeynep Ersan Berdoz