La gratuité de l’eau du robinet dans les restaurants n’a pas fini d’alimenter les discussions de comptoir. En Suisse, contrairement à une croyance persistante, aucune loi n’oblige les établissements à servir gratuitement une carafe ou un verre d’eau à table – à l’exception notable du Tessin. Chaque restaurateur peut décider librement de taxer le Château-la-Pompe à ses clients, pour autant que le prix soit mentionné sur la carte.
Une notice récente de l’association faîtière des cafetiers-restaurateurs prend cependant position de manière plus tranchée: «GastroSuisse recommande à ses membres la remise d’eau potable contre rémunération», peut-on lire dans le document Tout savoir sur le verre d’eau. Il est publié sur www.gastroprofessional.ch, portail réservé aux acteurs de la branche.
Les Romands plus souples
«C’est une prestation de restauration, se défend Astrid Haida, porte-parole de GastroSuisse. Les frais de service par rapport à une boisson payante demeurent inchangés et représentent 75% des coûts totaux. La remise, gracieuse d’eau du robinet peut rapidement causer des problèmes de rendement aux établissements», ajoute-t-elle.
Frédéric Haenni, coordinateur des présidents latins de GastroSuisse, nuance toutefois: «En Suisse romande, on conseille d’offrir le service de la carafe en accompagnement d’une autre boisson. Mais, si l’eau du robinet est la seule boisson commandée, nous trouvons admissible de la facturer, pour autant que cela soit clairement indiqué, précise-t-il. Car la branche suisse de la restauration est ainsi faite que la valeur ajoutée sur la seule nourriture n’est pas suffisante pour faire tourner un établissement.»
«Pas bon pour la qualité de l’accueil»
En comparaison internationale, la carafe d’eau se fait désirer sur les tables helvètes: elle est, par exemple, souvent apportée spontanément au client dans les établissements américains ou encore japonais. Et, chez nos voisins français, les restaurateurs ont l’interdiction de la facturer. Qu’en pensent les milieux helvétiques de la promotion du tourisme? «Je suis un peu choqué par cette recommandation, commente Claude Petitpierre, directeur de Lausanne Tourisme. C’est un élément négatif pour la qualité de l’accueil. Si le rapport qualité-prix de l’offre touristique ici demeure très bon, il n’en reste pas moins que la Suisse a une image de cherté. Une telle mesure ne va pas l’atténuer».
Le patron du tourisme lausannois se montre certes compréhensif quant à l’activité des professionnels de la restauration: «C’est un métier pas facile, qui demande un gros investissement pour un rendement pas énorme.» Mais il ne reste pas moins dubitatif sur l’effet de la facturation de la carafe d’eau: «Je ne suis pas certain que des mesures de ce genre, pour les restaurateurs, soient suffisamment bénéfiques pour compenser le déficit d’image qu’elles procurent», conclut-il.
Vincent Cherpillod
Eclairage
Vous ne buvez rien? Payez quand-même!
Difficile de dire combien de cafetiers-restaurateurs font payer la carafe d’eau. GastroSuisse n’en tient pas la statistique. Bon nombre d’entre eux semblent toutefois copier l’établissement voisin: ainsi, les bistrots installés au centre-ville de Genève ou de Sion semblent s’être mis d’accord sur sa facturation.
Dans la Cité de Calvin, certains vont même plus loin: ils ne comptent pas le service de l’eau du robinet, mais le fait de commander à manger sans prendre à boire avec le repas! La mention «Repas pris sans boisson: supplément de X francs» fleurit ainsi sur la carte de plusieurs restaurants genevois. Même sans demander de carafe d’eau, le client peut ainsi se voir facturer quelques francs de supplément. «C’est peu commercial et peu courtois. Nous ne le recommandons pas, même si je n’ai pas connaissance de telles pratiques», commente le directeur de GastoVaud. Même son de cloche de la part de Jean-Luc Piguet, vice-président de la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève: «Ce n’est pas interdit, mais anticommercial», reconnaît-il. Malgré tout, la société genevoise ne prévoit pas d’interpeller ses membres à ce sujet.