Le soir même de son opération de la hanche, François (nom connu de la rédaction) se fait piquer pour la première fois dans la région abdominale pour prévenir la thrombose. Un traitement classique après ce genre d’interventions. En fait, les infirmiers injectent un anticoagulant qui, comme son nom l’indique, empêche le sang de se solidifier et de former des caillots.
Les piqûres vont se répéter chaque jour d’hospitalisation. Et comme notre lecteur a déjà subi une opération les nécessitant, il s’apprête à poursuivre le traitement lui-même dès son retour à domicile. Or, à son grand étonnement, la seringue est désormais remplacée par un simple comprimé à avaler, répondant au nom de Xarelto, produit par la firme Bayer. Pratique, mais pourquoi alors n’avoir pas immédiatement fait la substitution à l’hôpital, les injections n’était jamais très agréables?
De retour chez lui, il passe à la pharmacie pour acheter le médicament. Comme le traitement dure un peu plus de cinq semaines, il lui faut deux boîtes, l’une de 30 comprimés et l’autre de 10. Prix total: 157 fr. Soit davantage que pour les injections (voir plus bas).
Voilà une partie de la réponse, mais pas seulement. En fait, les anticoagulants oraux de nouvelle génération, comme le Xarelto, sont apparus vers 2010 et se sont rapidement substitués aux anciens produits, appelés antivitamines K (AVK). Il est vrai qu’ils ont un énorme atout pour eux: contrairement aux AVK, il n’est pas nécessaire de régulièrement évaluer la posologie en fonction des paramètres de la coagulation. Autrement dit: plus besoin de prise de sang intermédiaire et de laboratoire.
Poule aux œufs d'or
En revanche, leur coût est seize fois plus élevé que les AVK! Dès lors, les anticoagulants ont pesé 90 millions de francs en 2015 dans le budget de la santé suisse, soit cinq fois plus qu’en 2010. On peut d’ailleurs se demander ce qui justifie un tel prix pour un médicament qui est loin d’être rare, puisque, en Suisse, il se pose environ 34'000 prothèses de la hanche et du genou chaque année, sans parler des plâtres et de toutes les autres interventions exigeant des anticoagulants. Et rien qu’en France, selon un rapport de 2013 de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, 487'000 patients en ont pris après une intervention planifiée, sans tenir compte de ceux qui en consomment régulièrement dans le cadre de traitements à long terme. Pour la firme Bayer, le Xarelto est donc une véritable poule aux œufs d'or, puisqu’en 2014, il a représenté un chiffre d’affaire de 2 milliards de francs, soit presque 10% du total produit par ses médicaments.
Effets indésirables
Pourtant, les effets secondaires sont loin d’être négligeables notamment des saignements indésirables, comme avec les AVK il est vrai, mais sans «antidote» possible lorsqu’ils sont provoqués par le Xarelto. Et aussi, plus récemment, selon le Arznei-Telegramm, quelques cas du syndrome de Stevens-Johnson (maladie orpheline) et d'agranulocytose (disparition de certains globules blancs), ce qui n’est pas indiqué sur les notices accompagnant le médicament. Interpellée par le magazine alémanique saldo, la firme Bayer affirme qu’elle va le mentionner «dès que possible». Et l'organe de contrôle Swissmedic confirme sa confiance dans le médicament, tout en soulignant qu’il est important de suivre avec exactitude les posologies et les avertissements.
Christian Chevrolet