«En voyant la liste, je me suis dit: oh non, c’est une avalanche qui va nous tomber dessus» confie Peter Balzli, porte-parole de Swissmedic, l’autorité suisse de contrôle et d’autorisation des produits thérapeutiques. En cause, une impressionnante liste de 700 médicaments génériques que l’Agence européenne du médicament (EMA) vient de publier en recommandant la suspension de leur vente dans l’Union européenne (UE).
Ce scandale aux conséquences encore incertaines remonte à juillet 2014, lorsque l’agence nationale de sécurité du médicament française (ANSM) a mené une inspection auprès de GVK Bioscience. Les investigations ont établi que cette société, basée à Hyderabad, en Inde, avait falsifié ses études de bioéquivalence. Ces protocoles visent à confirmer la compatibilité thérapeutique entre un médicament générique et la préparation originale. Les manipulations – systématiques et étalées au moins sur cinq ans – ont porté sur les enregistrement des électrocardiogrammes lors des essais cliniques. «Franchement, nous ne comprenons pas pourquoi ils ont fait ça. S’ils avaient voulu tricher pour économiser des sommes importantes, ce n’est pas ce qu’il fallait faire» lâche, perplexe Peter Balzli.
Officiellement, le discours de l’EMA se veut rassurant. Même si les manipulations sont qualifiées d’infraction «majeure» aux règles, rien ne permettrait d’affirmer actuellement qu’elles remettent en cause la sécurité d’utilisation et l’efficacité des médicaments concernés. Mais Peter Balzli est bien emprunté de l’affirmer avec une certitude absolue. Comment pourrait-on être catégorique lorsque des études cliniques ont été manipulées? Swissmedic relève néanmoins n’avoir reçu aucun signalement d’éventuels dangers pour la santé des patients.
Un nombre à relativiser
Autre élément à prendre en compte: le nombre effrayant de 700 médicaments doit être relativisé. A y regarder de plus près, l’avalanche crainte par Peter Balzli lorsqu’il a appris l’existence du document de l’EMSA est moins massive que prévue. «L’Europe ne compte pas comme la Suisse. En fait, la liste dénombre à chaque fois les mêmes médicaments vendus dans les différents pays ainsi que les différents dosages», souligne le porte-parole. Avec la manière de compter helvétique, le nombre de génériques concernés est, par exemple, limitée à 4 en Autriche et 7 en Belgique. C’est cet ordre de grandeur que l’institut suisse des produits thérapeutiques pense trouver quand ses experts auront terminé d’éplucher la liste.
Mais ce ne sera pas avant mi février. Il faut dire que Swissmedic n’a pu prendre connaissance du document de l’EMA qu’une fois publié et qu’elle n'est pas en possession de toutes les données considérées par l’Agence européenne. Cette dernière refuse, en effet, de partager ses informations avec son homologue helvétique! Des négociations seraient, toutefois, sur le point d’aboutir...
Inertie administrative
Dans notre pays, d’éventuelles suspensions pourraient prendre du temps, car la procédure est plus longue que celle de nombreux pays européens. Il faut d’abord envoyer un préavis à la société concernée quii peut alors se justifier, sans compter les recours sur les décisions prises.
Dans l’intervalle, la supercherie de GVK Biosciences pourrait bien connaître un nouveau rebondissement. «A l’heure actuelle, rien ne nous dit que cette société s’est cantonnée aux génériques et qu’elle n’a pas réalisé des études pour des préparations originales», s’inquiète Peter Balzli.
Le scandale ne fait peut-être que commencer.
Sébastien Sautebin