Weit dir es Seckli? Interloqué, je reste sans voix devant la caissière du Take Away de Migros à la gare de Berne. Neuf ans d’allemand pour buter sur une question simple, savoir s’il faut mettre mon achat dans un cornet en plastique ou non! Même constat lorsqu’un passant m’interpelle dans la rue: je ne compte plus les «Entschuldigung, aber ich verstehe nur Hochdeutsch». La communication ne passe pas.
Pour casser la barrière des langues, une parlementaire biennoise ose une solution radicale: des cours de suisse allemand obligatoires à l’école. Fin janvier, Le Matin s’en est ému sur une manchette. Mais, après tout, pourquoi pas? Cette révolution se heurte pourtant à un programme scolaire déjà surchargé. L’introduction précoce de l’anglais a réduit l’enseignement de l’histoire et de la géographie à leur portion congrue; le temps manque pour renforcer l’apprentissage du français, qui fait peiner nombre d’élèves.
«C’est le fait de parler la langue de l’autre qui sauve notre cohésion nationale!», entend-on souvent. Dieu merci, c’est faux, sans quoi la Suisse n’existerait plus depuis longtemps, tant l’enseignement de l’allemand est un échec! D’ailleurs, si son objectif est vraiment la communication avec nos voisins, alors, pourquoi apprendre une langue qu’ils ne parlent qu’avec réticence? Pour dégager de la place dans l’horaire scolaire, remplaçons purement et simplement les cours d’allemand par des leçons de suisse allemand. La langue de Goethe est suffisamment belle pour être laissée en option à ceux qu’elle intéresse.
On objectera qu’il s’agit d’une langue orale dont l’orthographe n’est pas fixée et qui varie d’une région à l’autre. C’est vrai; pourtant, l’encyclopédie Wikipédia est déjà riche de 25 000 articles en langue alémanique! De plus, nul besoin, pour un Zurichois, de passer par le bon allemand pour se faire comprendre à Berne ou à Saint-Gall. Et de toute façon, si l’enjeu est de pouvoir se parler d’un côté à l’autre du röstigraben, n’est-ce pas précisément sur l’apprentissage oral qu’il faut mettre l’accent?
Vincent Cherpillod