«Vous en avez, du courage!» A quelques variantes près, c’est la réaction que j’entends le plus souvent lorsque, réfugié dans l’habitacle de l’automobiliste qui m’a pris en stop, je lui raconte mes déboires du jour avec les trains et les bus.
Détenteur d’un abonnement général depuis une vingtaine d’années, je peux en témoigner: en Suisse, on peut se déplacer presque partout et presque toujours sans voiture. Même sans habiter au centre de Genève. Même en pratiquant le ski de randonnée ou l’escalade, le week-end. Et même lorsqu’on habite en Valais! Bien sûr, il s’agit d’un choix coûteux – surtout en temps et en sueur. Mais laissons de côté les bus sans climatisation, les trains bondés aux heures de pointe ou les retards à répétition: voici deux petites anecdotes qui en disent long sur les bâtons placés dans les roues des derniers résistants des transports publics.
St-Luc (VS), dimanche 27 août 2017, 15 h 48. En descendant du funiculaire de Tignousa, 20 passagers regagnent tranquillement leur voiture. Deux seulement n’en ont pas et regardent leur montre, perplexes. Ils ont manqué le bus qui regagne la vallée et le prochain passe deux heures plus tard. Il s’avère que, en été, seul un wagon du funiculaire sur deux est exploité. Lorsqu’il redescend, le convoi accuse un retard de dix minutes sur l’horaire. La correspondance n’est plus assurée, mais personne ne semble y avoir pensé.
A Verbier, le week-end, la punition est plus rageante encore: tout voyageur qui redescend de la station avec le dernier bus de la soirée (21 h 20 déjà) est sanctionné, au milieu de son parcours, par une pleine heure d’attente à la gare du Châble. «Personne n’a jamais réclamé», m’a répondu le chauffeur du bus le jour où, stupéfait, je lui ai demandé la raison de ce châtiment. Pas étonnant, à vrai dire: j’étais seul à bord.
Il faut parfois une bonne dose de masochisme pour se déplacer continuellement avec les transports publics. Un jour ou l’autre, ce sera au tour de leur plus fervent partisan de se lasser de compter sur la gentillesse des automobilistes qui le prennent en stop et écoutent le récit de ses mésaventures. Il s’achètera une voiture.
Vincent Cherpillod