Ceux qui ont pour habitude de se fier aveuglément aux conseils des pharmaciens feraient bien d’être plus prudents à l’avenir. Notre enquête, menée en collaboration avec l’émission On en parle (RTS La Première), est alarmante. Sur vingt-quatre pharmacies visitées, une dizaine d’entre elles ont fait des erreurs inquiétantes, alors que dix autres nous ont offert un service à peine acceptable.
Au final, seules quatre officines passent notre test sans accroc (voir tableau). Le rôle du pharmacien qui, selon les dires du pharmacien cantonal neuchâtelois, Jean-Blaise Montandon, est «censé informer clairement les clients sur ce qu’il leur remet, sur la base ou non d’une ordonnance médicale», n’est donc clairement pas rempli ici.
Notre enquête s’est concentrée sur 24 officines – situées entre Lausanne (en priorité) et Genève – dont trois de chacune des chaînes ou des enseignes suivantes: Amavita, BENU, Coop Vitality, Pharmacies Principales, Plus, Populaires et Sun Store. De surcroît, nous avons également mis à l’épreuve trois officines indépendantes.
A chaque fois, nous avons demandé simplement du sirop pour la toux Solmucalm (en vente libre), sans autre précision. Puis, nous avons vérifié si le pharmacien se renseignait sur le destinataire de ce médicament, son âge et son état de santé (lire encadré).
Remèdes contre-indiqués
Notre scénario prévoyait que le sirop était destiné à un enfant de 2 ans. Or, comme le Solmucalm est contre-indiqué pour les petits de moins de 3 ans, aucune des officines n’aurait dû nous le délivrer. Et pourtant, nous sommes tout de même ressortis à quatre reprises avec ce sirop dans les mains, alors que les pharmaciens savaient pertinemment à qui il était destiné.
Pour Jean-Blaise Montandon, ces enseignes font prendre des risques inutiles aux petits enfants, car le fabricant contre-indique clairement le Solmucalm pour les moins de 3 ans. Par ailleurs, l’un de nos enquêteurs s’est vu proposer des suppositoires aux huiles essentielles, alors que, là aussi, ils ne sont pas adaptés. En effet, sans ordonnance médicale, ce genre de préparation ne convient pas aux enfants de moins de 30 mois.
Service minimum
Si, à quatre endroits, la vente du Solmucalm s’est bel et bien conclue, elle aurait aussi très bien pu se produire dans d’autres lieux si nos enquêteurs n’étaient pas intervenus. En effet, à cinq reprises, l’âge de l’enfant n’a pas été demandé. A la Pharmacie des Alpes à Genève, l’employé n’a même pas cherché à savoir pour qui le Solmucalm était destiné. Dans ces cas-là, nous avons donc signalé l’âge de l’enfant au moment où la vente était sur le point d’être réglée. Fort heureusement, ils ont réagi à ces indications, puisqu’ils se sont à chaque fois ravisés et nous ont proposé d’autres traitements plus opportuns.
Les pharmaciens sont également censés prendre des renseignements sur l’état de santé du malade. Là aussi, le service laisse à désirer. Pour le pharmacien cantonal neuchâtelois, ce constat est de nouveau peu réjouissant: «Il est décevant de constater que seules 30% des pharmacies, soit sept au total, ont atteint la notation satisfaisante à très bonne sur ce critère.» Finalement donc, sur les 24 enseignes, 17 ne passent même pas la barre du «satisfaisant». Et parmi elles, quatre n’ont posé aucune question.
Amélioration en vue
A l’exception de deux pharmacies Plus (rue Centrale et Caroline), de celle de Ruchonnet, à Lausanne, et de Coop Vitality à Morges, toutes les autres devraient donc rapidement revoir leur procédure et améliorer la qualité de leur service. Hormis les Pharmacies des Alpes et de Luc Geny, qui n’ont pas désiré commenter nos résultats, la plupart des officines semblent vouloir aller dans ce sens. BENU promet que de telles erreurs ne se reproduiront plus et les pharmacies Populaires assurent, de leur côté, avoir déjà pris des mesures. Galenica – qui englobe Amavita, Sun Store et Coop Vitality – les Pharmacies Plus et Principales promettent, quant à elles, des améliorations.
Client attentif
Si l’air est au changement et au progrès, il n’empêche qu’un doute subsiste: comment être certain que les médicaments remis par les pharmaciens sont adéquats et indiqués? Pour Jean-Blaise Montandon, la meilleure chose à faire est de choisir son officine et d’y rester fidèle: le spécialiste apprend ainsi à connaître le patient et peut documenter son dossier avec les solutions prescrites par son médecin
et avec celles que lui-même lui conseille. Par ailleurs, il ne faut pas hésiter à poser toutes les questions qui préoccupent tout un chacun. Et enfin, pour les plus soucieux, il est toujours possible d’aller se renseigner sur swissmedicinfo.ch, un site qui regorge d’informations officielles et pertinentes sur les médicaments.
Marie Tschumi
Dans le détail
Triage indispensable
Le pharmacien est censé évaluer l’état de santé d’un patient en récoltant les renseignements nécessaires pour décider du traitement à suivre. Il s’agit du «triage pharmaceutique». Si la personne malade est un enfant, cette évaluation clinique est d’autant plus importante. Et lorsque, en plus, il tousse, elle devient carrément indispensable. Le pharmacien se devait ainsi de nous poser les sept questions suivantes.
- Depuis quand l’enfant tousse?
- Quel est son type de toux?
- A-t-il de la fièvre?
- Le rhume?
- Mal au thorax?
- De la peine à respirer?
- Prend-il d’autres médicaments?
Dans toutes les officines, le nombre de questions posées a permis d’accorder une appréciation pour chacune d’elles.