Une mère de famille, domiciliée en Argovie, quitte le domicile conjugal durant l'absence de son mari avec ses deux enfants en bas âge et s'installe à Bellinzone. Elle demande alors la suspension de la vie commune et l'obtention de la garde des enfants. Le Tribunal de district argovien constate la suspension de la vie commune ainsi que son bien-fondé, attribue la jouissance du domicile conjugal au mari et le droit de garde à la mère, mais lui ordonne d'élire domicile dans un périmètre accessible par le père en moins d'une heure et demie avec un transport public.
Saisi d'un recours, le Tribunal cantonal annule l'exigence d'un nouveau déménagement et réduit le droit de visite du père accordé par les autorités de district. Ce dernier fait alors recours auprès du Tribunal fédéral, où il ne va obtenir que partiellement raison.
Retour forcé pas prévu...
Dans leur arrêt (en allemand), les juges relèvent que le déplacement des enfants au Tessin est illégal, puisqu'il contrevient à l'article 301a du Code civil. Article qui stipule que le consentement du conjoint est requis si le déménagement a des conséquences importantes pour l'exercice de l'autorité parentale de l'autre parent, ainsi que pour les relations personnelles. Difficile de prétendre, dans la situation précise, que tel n'est pas le cas... Mais, poursuivent les juges, la loi n'a pas prévu la possibilité au parent qui s'oppose au déménagement de l'empêcher ou d'obtenir un retour forcé! C'est donc à raison que le Tribunal cantonal a exclu cette exigence du Tribunal de district.
Deux exceptions auraient pu toutefois être retenues. La première, c'est le changement dans l'attribution du droit de garde. Or, comme les horaires professionnels du père ne l'auraient pas permis, cette hypothèse a été écartée. La deuxième, c'est la mise en danger de l'enfant qu'un retour permettrait d'éviter. Sur ce point, les arguments avancés par le père – perte de la langue allemande et celle du contact avec le père – n'ont pas fait mouche. Les juges ont estimé que tout cela pouvait être surmonté avec un aménagement adapté des droits de visite et de vacances. Dans cette optique, le TF a néanmoins exigé que le Tribunal cantonal revienne sur les restrictions prononcées sur le droit de visite accordé au père.
D'autres jugements ont pourtant retenu l'une ou l'autre de ces exceptions (lire encadré).
Christian Chevrolet
Départ à l'étranger
Le droit prévoit une autorité parentale conjointe qui inclut celui de fixer le lieu de résidence des enfants. En cas de désaccord, le conjoint qui souhaite les déplacer doit obtenir l'accord de l'autorité de protection de l'enfant ou du tribunal (art. 301a CC).
Le Tribunal fédéral a dû récemment se prononcer (arrêt en allemand) sur un refus en la matière. La mère voulait déménager en Espagne avec sa fille de 7 ans, pour vivre avec sa nouvelle compagne. Le père s'y oppose, soutenu en cela par l'autorité de protection, puis le Tribunal cantonal. Le TF confirme: son éducation en Espagne nécessitera l'apprentissage d'une nouvelle langue et, à part la compagne de sa mère, la fille ne connait personne dans ce pays. En outre, la mère n'a pas encore de travail là -bas et son nouveau couple ne paraît pas assez stable. Les juges ont donc estimé que le bien de l'enfant serait mieux préservé s'il reste en Suisse avec son père.
Autre situation, autre jugement: deux parents divorcent avec l'autorité parentale partagée, mais avec la garde des enfants confiée à la mère. Lorsque cette dernière veut déménager avec ses bambins en Autriche, le père s'y oppose, mais perd tant devant le Tribunal cantonal que fédéral. Dans leur arrêt (en allemand encore), les juges estiment que le père ne veut pas la garde exclusive des enfants, mais seulement empêcher leur déménagement. Or, ils retournent dans la patrie de leur mère où elle a une partie de sa famille, ils parlent allemand, et leur jeune âge leur permettra de s'adapter facilement. Dès lors, leur bien est mieux préservé s'ils suivent leur mère à l'étranger, du moment que le droit de visite du père est élargi, ce que le Tribunal fédéral exige parallèlement.