«La croissance actuelle participe au dé-clin de la vie sur la Terre. Et, pourtant, sans croissance, nombre d’emplois disparaîtraient. Mais alors que faire?» Tel est le constat posé d’emblée par Lucien Willemin. Avec François Marthaler (lire présentations ci-contre), ils apporteront des pistes de réflexion et des réponses concrètes lors du premier cycle de conférences de Bon à Savoir, les 14 et 16 février (lire encadrés). Entretien croisé.
Nous vivons dans une logique de remplacement rapide, suscitée par une communication habile des fabricants, souvent teintée d’arguments écologiques. N’est-ce pas paradoxal?
Lucien Willemin: Totalement, nous passons notre temps à réaliser des bilans énergétiques, des comparaisons de consommations, de rendements, etc. Puis, sur la base des résultats obtenus, nous réglementons nos comportements. Cette attraction pour le chiffre nous invite à changer, par exemple, de machine à café pour une nouvelle consommant moins d’électricité, de voiture pour une moins gourmande en carburant, etc. Et cela fonctionne, nous achetons du neuf et jetons du «vieux» en parfait état de marche. D’où le paradoxe, puisque nous pensons réduire notre consommation globale, contribuer à l’amélioration de la vie sur la Terre, mais nous oublions un volet essentiel de la question écologique: la pollution chimique!
A travers l’histoire, l’être l’humain a pourtant toujours privilégié l’accumulation, à commencer par celle des calories face aux périodes de pénurie. Tout pousse l’humain à consommer…
François Marthaler: C’est vrai. Mais tout va beaucoup plus vite et il n’y a plus de limites. Prenons pour exemple l’iPhone, arrivé sur le marché il y a tout juste dix ans. Au mois de novembre dernier, sa version 4, pourtant récente, devenait obsolète. Impossible de faire une mise à jour ou de le donner à réparer, faute de pièces détachées ou d’accessibilité à ses composants. Cette obsolescence programmée des produits, mais aussi celle dite «logicielle» (lire «Un smartphone, ça se répare», BàS 1/2017) a drastiquement accéléré le rythme d’achat.
Quelles sont les pistes de réflexion et d’actions concrètes que vous imaginez?
François Marthaler: Face à cette obsolescence, la réaction s’est organisée. Les consommateurs peuvent aujourd’hui retrouver la maîtrise de leur informatique grâce au développement des logiciels libres (open source) et de l’open hardware. Cela nous amène au cœur de la
troisième révolution industrielle que nous vivons, caractérisée par la «durabilité planifiée». Elle nous conduit vers une logique de mutualisation: partager plutôt que posséder. Cela va des produits courants à la connaissance... Des places de parc partagées selon les heures d’utilisation aux logiciels libres, en passant par des données mises à disposition de tous. Il n’y a pas de limites au partage, tant qu’il profite à chacun.
Lucien Willemin: Il ne s’agit pas de culpabiliser les consommateurs, mais de les inviter à prendre conscience des mécanismes que nous avons acceptés et que nous considérons comme «normaux», alors que, en réalité, ils tuent la vie. C’est abrupt, certes, mais réel. Il est important de comprendre que, chaque fois que l’être humain fabrique un objet, il consomme «beaucoup» d’énergie grise, émet du CO2 et affaiblit les ressources naturelles de la planète, mais, surtout, rejette de la pollution chimique dans l’air, l’eau et les sols. Cette pollution-là est toxique pour les écosystèmes et elle n’est pas compensable, contrairement à ce que l’industrie tente de faire croire à coups d’arguments prétendument «verts». La population est de plus en plus sensible à ce thème. On le voit avec cette lame de fond qu’est l’économie de partage, la volonté de réduire ses déchets, de réparer ses appareils, l’achat en vrac (lire page 26), etc.»
Les solutions économiques concrètes existent, elles sont à portée de main pour qui sait les voir! Nous vous attendons nombreux aux conférences des 14 et 16 février prochains avec vos solutions, vos expériences, vos témoignages. Nous prendrons également le temps de discuter avec nos deux invités des pistes et des actions concrètes pour inventer DEMAIN!
Zeynep Ersan Berdoz
Lucien Willemin
Formation bancaire, directeur des achats pour une entreprise horlogère, promoteur immobilier, fondateur de La Chaussure Rouge, conférencier en environnement, auteur de «En voiture Simone!» et «Fonce Alphonse!», aux Editions G d’encre.
www.lachaussurerouge.ch
François Marthaler
Fondateur, en 1980, de La Bonne Combine, entreprise de réparations en tous genres, avec laquelle Bon à Savoir collabore depuis 20 ans (lire page 13), qu’il dirige jusqu’en 1991. Il crée ensuite le bureau d’investigation sur le recyclage et la durabilité. Il est conseiller d’Etat vaudois, en charge des infrastructures, de 2003 à 2012, puis, en 2013, il crée l’entreprise why! open computing SA qui distribue des ordinateurs durables.
www.whyopencomputing.ch
⇨ Présentation et modération: Zeynep Ersan Berdoz, directrice, rédactrice en chef de Bon à Savoir.
Invitation
« Remplacer pour économiser… vraiment? »
Bilans énergétiques, comparaisons de consommations, de rendements, messages publicitaires omniprésents, etc. Tout nous pousse à changer de machine à café pour une nouvelle consommant moins d’électricité, de voiture pour une moins gourmande en carburant, etc.
Comprendre et décrypter les mécanismes de cette consommation pour, enfin, sortir de l’impasse «croissance/décroissance» et reprendre le contrôle de nos choix. Nos deux experts, Lucien Willemin et François Marthaler, apporteront des pistes de réflexion et des réponses concrètes lors du premier cycle de conférences de Bon à Savoir, les 14 et 16 février prochains*.
*14 et 16 février, 18 h 30, Hôtel Continental, Lausanne (en face de la gare). Entrée gratuite, inscriptions obligatoires sur bonasavoir.ch/conferences ou au 021 310 01 36.