La gauche vaudoise a lancé récemment une initiative cantonale demandant que l’ensemble des soins dentaires de base et les traitements orthodontiques soient couverts par une assurance publique. L’idée n’est pas nouvelle. Il y a trois ans, le conseiller national Jean-Charles Rielle (PS/GE) s’indignait que les dents soient la seule partie du corps à ne pas être prise en charge.
Son initiative parlementaire a été liquidée. La commission chargée d’étudier le texte avait proposé de ne pas y donner suite (lire encadré). Une minorité favorable soulignait toutefois «que la Suisse est l’un des rares pays à ne pas avoir intégré les soins dentaires dans le catalogue de l’assurance maladie». Un argument avancé également par les initiants vaudois. Qui relèvent «qu’ils sont, par exemple, inclus dans l’assurance maladie de base en Allemagne».
Nos voisins sont, en effet, à l’exception de l’Italie, plutôt généreux dans ce domaine. Ce qui n’empêche pas que le sujet y soit également controversé. Voici, dans les grandes lignes, leurs couvertures.
En Autriche
«Les prestations remboursées par l’assurance obligatoire incluent les interventions conservatrices et chirurgicales, comme les obturations, les extractions ou les traitements de racine. Pour certains services précis, comme les prothèses et l’orthopédie amovibles, les patients doivent payer jusqu’à 50% des honoraires. Il faut aussi que le travail soit effectué par un dentiste conventionné, c’est-à-dire lié au système public, faute de quoi le remboursement est inférieur», explique Jörg Krainhöfner, directeur de l’ordre des dentistes autrichiens. Ces remboursements partiels «laissent souvent à la charge de la personne assurée des frais considérables», note la Commission européenne.
En Allemagne
Les soins dentaires sont inclus dans le catalogue de l’assurance maladie obligatoire (GKV). Cela comprend notamment l’examen annuel, l’élimination de la plaque dentaire, les traitements de racine, la chirurgie buccale et les services parodontaux, précise le Ministère de la santé allemand. Les traitements orthodontiques justifiés médicalement sont entièrement couverts jusqu’à l’âge de 18 ans. Pour les prothèses, la prise en charge va de 50% à 65%.
En France
Les soins dentaires sont remboursés à 70% par la Sécurité sociale sur la base d’une tarification fixe. Certains dentistes sont toutefois autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires qui ne sont pas pris en charge. Autre bémol, la Sécurité sociale ne reconnaît que certains types de prothèses. De plus, le tarif est libre, et peut alors dépasser la tarification de base couverte à 70%. En d’autres termes, le remboursement est donc souvent largement inférieur au coût réel. L’orthodontie n’est reconnue que pour les enfants de moins de 16 et, là aussi, les tarifs sont libres. A noter que les mutuelles assument généralement une partie des frais non pris en compte par la Sécu.
En Italie
Contrairement à nos autres voisins, la Péninsule est plutôt pingre. Les traitements et les soins dentaires couverts par le Service national de santé (SSN) se limitent essentiellement aux jeunes jusqu’à 14 ans ainsi qu’aux personnes se trouvant dans des conditions de grande vulnérabilité sociale ou sanitaire, résume le Ministère de la santé. Pour le reste de la population, seuls les examens buccodentaires et les urgences, comme les infections sévères, sont garantis.
Sébastien Sautebin
Sous la loupe
Les arguments des opposants
La commission, qui a examiné, en 2011, l’initiative parlementaire de Jean-Charles Rielle sur le remboursement des frais dentaires, estimait que les coûts induits seraient trop élevés et qu’ils conduiraient à une augmentation des primes. Selon elle, «les soins dentaires sont un marché libre relevant de la responsabilité individuelle, qui fonctionne bien et qu’il n’y a pas de raison d’en changer en l’état actuel». Des arguments partagés par Margrit Kessler, présidente de l’Organisation suisse des patients (OSP) et par la Société suisse des médecins-dentistes (SSO). Son porte-parole, Marco Tackenberg, affirme que «la plupart des dommages dentaires peuvent être évités grâce à des mesures d’hygiène simples et peu coûteuses». Il y a trois ans, une minorité de la commission souhaitait toutefois que certains soins dentaires onéreux soient remboursés, «afin d’éviter des conséquences financières et médicales désastreuses pour les personnes qui ne disposent pas de revenus suffisants».